BiographieNé le 21 février 1895 à Paris, Jean-Michel Frank est le troisième fils de Léon Frank, banquier et de Nanette Loewi, fille d’un rabbin de Philadelphie. Élève au lycée Janson-de-Sailly, Jean-Michel Frank, enfant studieux mais atypique, fait plusieurs rencontres déterminantes, dont Léon Pierre-Quint, futur directeur des Éditions du Sagittaire, et de René Crevel, qui deviendra une importante figure du surréalisme. Avec eux, Jean-Michel Frank vit ses premières expériences esthétiques et s’enthousiasme pour Marcel Proust et André Gide. La Première Guerre mondiale plonge la famille dans le drame. De nationalité allemande, ses parents sont assignés à résidence tandis que leurs deux fils aînés, nés Français comme Jean-Michel, partent pour le front.
En 1915, ses deux frères meurent au combat, le père se suicide. Seul avec sa mère, Jean-Michel Frank travaille quelque temps pour un homme d’affaires, mais se passionne davantage pour le monde intellectuel et artistique. Dès 1918, il est l’intime de Pierre Drieu La Rochelle et de Louis Aragon. Pour eux, Frank s’improvise décorateur. En 1921, il aménage la garçonnière de Drieu La Rochelle, qu’il vide : murs blancs, quelques meubles et un vase cubique en verre, objet déniché chez un électricien. L’imprimeur et fondateur de l’UAM Charles Peignot, l’éditrice anglaise Nancy Cunard sont conquis par son esthétique ascétique et le laissent libre de leur concevoir des intérieurs dépouillés aux meubles presque absents. Rapidement, avec l’aide de l’ébéniste Adolphe Chanaux il met au point des gammes de meubles et de luminaires aux formes minimales. Indifférent aux usages et aux traditions de l’ébénisterie, Frank introduit des matières jusqu’alors inédites : gypse, terre cuite, mica, graphite, galuchat, paille, parchemin, et d’une grande originalité dans leur façonnage, comme le chêne sablé ou arraché. Séduits, Louis Aragon et Paul Eluard lui commandent des luminaires aux accents primitifs africains et chinois. En 1926, la réalisation pour l’hôtel particulier des Noailles entre autres d’un fumoir aux murs gainés de parchemin et d’un boudoir en marqueterie de paille révèle Frank au Tout-Paris et fait de lui le décorateur le plus recherché. Les Pecci-Blunt, les Gunzburg, Cole Porter, Gaston Bergery deviennent ses clients fidèles. Même François Mauriac se laisse séduire par une esthétique qu’il qualifie « d’esthétique du renoncement ». En 1930, Jean-Michel Frank est nommé gérant et directeur artistique de la société Chanaux & Cie. À partir de cette époque que le décorateur réunit autour de lui des talents à qui il avait déjà commandé quelques créations. Ainsi pendant dix ans, Alberto Giacometti, Paul Rodocanachi, Jean Hugo, Emilio Terry et Christian Bérard vont être associés à certaines de ses réalisations. Le style de Frank se tempère : apparaissent les couleurs azuréennes de Bérard, des meubles jouant avec les références néoclassiques, baroques ou Napoléon III, des matériaux plus classiques comme l’ivoire, l’ébène et l’acajou. Le succès est immédiat. Les couturiers Lucien Lelong, Robert Piguet, Marcel Rochas et Elsa Schiaparelli lui font décorer leur showroom. Le dramaturge Édouard Bourdet lui confie les décors de ses pièces au théâtre de la Michodière puis au Théâtre-Français. Des décorateurs venus du monde entier, anglais, américains, brésiliens et argentins, lui achètent en nombre sa production. Les commandes des milliardaires argentins et américains, Jorge Born, Nelson Rockefeller et Charles Templeton Crocker consacrent sa carrière internationale. C’est encore la guerre qui bouleverse le destin de Frank. En septembre 1939, les ateliers Chanaux ferment définitivement leurs portes. En juillet 1940, il quitte la France et gagne l’Argentine. Là-bas, il reprend ses activités de décorateur et enregistre des commandes d’importance. Après quelques mois à Buenos Aires, il part pour New York où le 8 mars 1941, il se donne la mort, mettant un terme à une brillante carrière. |
ActualitéDécembre 2022.
La mairie de Paris fait apposer une plaque à la mémoire de Jean-Michel Frank sur la façade de la maison où il vécut Rue de Verneuil. |